A quoi sert un test d’aptitudes cognitives ou test de QI ?

Les tests d’aptitudes cognitives, plus connus sous le terme “tests de QI”, sont des outils qui permettent d’évaluer l’efficience d’un ensemble de fonctions cognitives fondamentales, mises en œuvre dans la plupart des activités intellectuelles.

Les fonctions cognitives sont les processus que le cerveau déploie pour traiter l’information, à un niveau plutôt élaboré : analyse des informations perçues, orientation et maintien de l’attention, mémorisation, compréhension, conceptualisation et langage, apprentissage, prise de décision, planification, raisonnement et résolution de problèmes, etc. Ces aptitudes sont particulièrement sollicitées dans les activités intellectuelles, mais aussi dans la plupart des activités de la vie quotidienne.

La facilité ou la difficulté avec laquelle nous réalisons différentes activités nous renseigne sur le fonctionnement plus ou moins efficace de notre cerveau. Cette auto-évaluation reste cependant très imprécise et sujette à erreurs 1, 2. Les tests cognitifs permettent une évaluation plus objective.

Il s’agit donc d’échelles de mesure, utilisées par les psychologues et les chercheurs pour obtenir des informations chiffrées sur les performances d’une personne, sur la façon dont son cerveau fonctionne. Les principaux tests actuels sont les échelles de Wechsler : WPPSI pour les enfants de 2 à 7 ans, WISC pour les jeunes de 6 à 16 ans, WAIS à partir de 16 ans. C’est cette famille de tests que je décris ici.

Comment se présente le test ?

Les échelles de Wechsler sont des tests qui se passent en individuel, via des échanges avec le ou la psychologue. Il existe par ailleurs des tests qui se passent par écrit, seul devant sa feuille voire par Internet, comme les matrices de Raven, mais ce type de test est bien moins informatif. De plus, la passation interactive permet de s’assurer que la personne interrogée comprend bien ce que l’on attend d’elle : chaque exercice commence par une explication des instructions avec une démonstration, et la psychologue vérifie que la personne a bien compris. L’interaction permet également de donner l’opportunité au sujet d’améliorer ses réponses : la psychologue fait des relances, demande des précisions quand nécessaire, et la personne interrogée est libre modifier ses réponses.

Le test se compose d’exercices variés qui font appel, pour leur résolution, à différentes capacités cognitives. Il faut par exemple reproduire des figures, répondre à des questions faisant appel à ses connaissances ou à la logique, mémoriser et répéter des informations, identifier le plus rapidement possible des symboles dans une page, etc.

La performance est évaluée, selon les exercices, au travers du nombre de bonnes réponses, de leur qualité et/ou de la vitesse d’exécution. Chaque exercice fait l’objet d’une note standardisée, qui permet la comparaison du sujet par rapport à son groupe d’âge et la comparaison interne entre les différents exercices.

Quelles aptitudes sont évaluées ?

Les exercices qui composent le test, appelés subtests, ont été sélectionnés pour couvrir un panel de compétences représentatives des principales fonctions cognitives. Même si un subtest donné peut sembler limité à une habileté restreinte, il a souvent été retenu car il est révélateur d’une aptitude plus générale.

Les différents subtests sont combinés pour permettre l’évaluation de plusieurs grands domaines de compétences. Une note, appelée indice, est calculée pour chaque domaine. Dans la WAIS-IV, ces domaines sont au nombre de quatre :

  • La compréhension verbale évalue les connaissances acquises par le sujet dans son environnement (apprentissage), sa capacité de conceptualisation et de raisonnement verbal, ainsi que son expression verbale.
  • Le raisonnement perceptif concerne l’aptitude à analyser les stimuli visuels et spatiaux, à les reproduire
    physiquement (intégration visuomotrice) ou à les manipuler mentalement. Il évalue également la capacité à identifier et appliquer des règles logiques ou quantitatives (raisonnement logique).
    Dans la dernière version de l’échelle pour les jeunes (WISC-V), ces deux aspects (visuo-spatial et raisonnement logique) sont séparés ; ils le seront aussi dans la prochaine version pour les adultes.
  • La mémoire de travail est la capacité à enregistrer puis maintenir de l’information en mémoire, tout
    en la manipulant. Elle sollicite le contrôle attentionnel et la concentration. Elle est à distinguer de la mémoire à long terme.
  • La vitesse de traitement mesure la rapidité et la précision de l’identification visuelle, de la prise de
    décision et de son application. Elle reflète la capacité à réaliser rapidement une tâche simple et répétitive, impliquant la coordination visuomotrice et l’attention soutenue.

On peut remarquer une différence entre ces domaines : les deux derniers, mémoire et vitesse, sont des fonctions de base, indispensables à beaucoup d’activités. Les deux premiers domaines regroupent des capacités plus élaborées, comme le raisonnement et la conceptualisation, qui s’appuient sur la mémoire et la capacité de traitement pour être efficaces.

À partir de l’ensemble des exercices, on calcule aussi un estimateur du niveau global de la personne, appelé QI pour Quotient Intellectuel. Le calcul du QI fait sens car on a pu constater que les performances d’une personne sur les différents exercices sont généralement reliées : les personnes qui réussissent bien certains exercices réussissent généralement bien les autres, et réciproquement pour ceux qui réussissent moins bien. Il semble donc exister un élément central, appelé facteur général ou facteur g, qui influence l’ensemble des performances cognitives.

Que permet le test ?

Le premier objectif de ce type de test est de fournir un profil cognitif global du sujet. Il nous donne des informations sur le fonctionnement cognitif de la personne et permet de mettre en évidence des forces et des faiblesses. Celles-ci sont soit normatives, c’est-à-dire par rapport à l’ensemble de la population, soit personnelles c’est-à-dire par rapport à ses propres compétences, en regardant les écarts entre les scores.

Lorsque les scores sont particulièrement bas ou élevés, le test permet d’objectiver des capacités globalement inférieures ou supérieures à la moyenne, voire de l’ordre du déficit ou du haut potentiel intellectuel.

Les subtests visent à couvrir un ensemble varié (mais non exhaustif) de fonctions cognitives. Un subtest donné ne fournit pas une mesure “pure” d’une fonction cognitive : les performances peuvent être influencées par plusieurs compétences et par d’éventuels troubles. En conséquence, l’analyse des résultats implique de combiner et comparer les performances aux différents subtests afin d’émettre des hypothèses sur les processus cognitifs sous-jacents. Pour cela, le ou la psychologue ne se base pas uniquement sur les résultats chiffrés, mais aussi sur les antécédents du sujet, sur ses réactions pendant la passation du test, les stratégies de résolution qu’il a utilisées, son mode de réponse, le type d’erreurs, les difficultés rencontrées… Encore un intérêt d’une passation interactive en individuel.

Parfois, les résultats peuvent conduire à faire l’hypothèse d’un trouble sous-jacent. Il faut toutefois être bien conscient que, si un trouble donné est parfois connu pour affecter la performance à un subtest donné, une performance abaissée à ce même subtest n’est pas nécessairement la conséquence de ce trouble : de nombreux autres facteurs pourraient expliquer cette performance. Les résultats d’un test de QI ne permettent pas à eux seuls de diagnostiquer un trouble spécifique, ils fournissent uniquement des indications qu’il faudra combiner avec d’autres investigations (anamnèse, tests complémentaires, échelles cliniques…).

Quid de l’intelligence ?

Le sigle WAIS signifie “Wechsler Adult Intelligence Scale”, soit “échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes”. On pourrait donc s’attendre à ce que cette échelle fournisse une mesure simple de l’intelligence, constituée par le QI (Quotient Intellectuel). Cette idée est trompeuse pour deux raisons.

  • Les chercheurs ont un temps abordé l’intelligence comme une notion unidimensionnelle, une qualité générale permettant de bonnes performances dans de multiples tâches (le “facteur g” — pour “général” — de Spearman). Cependant, l’étude des relations entre les performances à diverses épreuves a mis en évidence des dépendances complexes. Les modèles actuels identifient donc plusieurs types de compétences (raisonnement logique, mémoire, vitesse, organisation perceptive…), qui interviennent de façon variable dans les performances sur différentes tâches. L’intelligence est aujourd’hui conçue comme multifactorielle, comme la combinaison de multiples compétences cognitives, dont certaines sont en partie indépendantes les unes des autres. L’évaluation que l’on fait est donc celle de l’efficience de plusieurs compétences cognitives fondamentales. La notion de facteur général est toutefois conservée, comme un élément global qui influence ces compétences plus spécifiques.
  • L’intelligence (ou plutôt ici l’efficience cognitive) n’est pas une grandeur quantifiable, comme le poids ou la taille. Elle est plus conçue ici comme une caractéristique du fonctionnement cognitif, qui influe sur les capacités de l’individu, sur ses performances dans la réalisation de diverses tâches. Ce qui est accessible à la mesure n’est pas directement l’efficience cognitive, mais son effet, au travers des performances sur un échantillon de tâches. L’évaluation se fait donc de façon indirecte, partielle et possiblement déformée. De plus, comme il ne s’agit pas d’une grandeur physique, nous ne disposons pas d’un référentiel, d’une échelle de mesure universelle (kilogramme, mètre). L’efficience d’un individu est donc évaluée en comparant ses performances à celles d’un échantillon d’individus représentatifs de la population dite de référence (par exemple, la population française). La mesure obtenue est uniquement ordinale (position dans la population).

Ces deux aspects, caractère multidimensionnel de l’intelligence et évaluation par la comparaison avec la population, se retrouvent dans la façon dont se présentent les résultats d’un test de QI.

Références

  1. Freund, P. A., & Kasten, N. (2012). How smart do you think you are? A meta-analysis on the validity of self-estimates of cognitive ability. Psychological Bulletin, 138(2), 296-321. https://doi.org/10.1037/a0026556
  2. Terriot, K., Grégoire, J., & Loarer, E. (2017). Les évaluations auto et hétéro-rapportées sont-elles des alternatives à la mesure psychométrique classique de l’intelligence ? Revue de 25 ans de recherche. Bulletin de psychologie, Numéro 550(4), 275-289. https://doi.org/10.3917/bupsy.550.0275