S’interroger sur un possible haut potentiel intellectuel : quels enjeux ?

Ce texte a été écrit en collaboration avec Nicolas FRANCOIS, psychologue et psychothérapeute TCC.

La question du haut potentiel intellectuel (HPI) chez l’adulte est de plus en plus présente dans les médias, amenant des personnes à se poser la question pour elles-mêmes. Certaines sont alors curieuses d’en apprendre plus sur leur fonctionnement cognitif, et veulent découvrir les perspectives offertes par l’exploitation de leurs compétences. D’autres se demandent si cette particularité ne pourrait pas expliquer des difficultés de vie.
Que faire face à ces interrogations ?

Identifier les enjeux

En tant que psychologues recevant des adultes en questionnement sur un possible haut potentiel, nous constatons que cette démarche est souvent associée à des enjeux personnels de deux types : la question de la différence, avec une dimension identitaire et un versant relationnel, et celle de l’utilisation des compétences, dans une perspective d’accomplissement de soi.

Nous considérons que la mise en lumière de ces enjeux va permettre d’éclairer la situation de la personne qui s’interroge, d’identifier ses besoins, ses difficultés, ainsi que les ressources dont elle dispose.

Une différence rare ?

Le HPI étant, par définition, une caractéristique rare, il peut représenter un défi d’acceptation et de gestion de particularités peu courantes. Celles-ci peuvent être jugées comme bizarres, anormales ou honteuses : “il y a quelque chose qui ne va pas chez moi”, “les autres me disent que je suis bizarre”. Elles peuvent aussi générer une sensation de décalage avec autrui, une absence de sentiment d’appartenance, un isolement social, de coûteux efforts d’adaptation aux autres, des difficultés à trouver un environnement qui permette de s’épanouir : “je suis incompris”, “les autres ne m’accepteront pas tel que je suis”, “je serai toujours seul”, “je suis inadapté”.

L’hypothèse du haut potentiel se présente alors comme une explication possible aux différences ressenties, à même de permettre leur compréhension, et ainsi de favoriser leur acceptation. Envisager ses particularités sous un autre angle, avec un regard plus bienveillant, est une expérience formatrice. Elle fait ressentir une capacité à s’accepter tel que l’on est. Elle permet de prendre conscience du bénéfice que cette attitude flexible apporte, notamment en termes d’estime de soi.

Un potentiel à exploiter ?

La juste évaluation de ses propres capacités est un exercice difficile 1, sensible aux biais. Une personne qui s’interroge sur un possible HPI peut être en situation de doute sur ses capacités, en particulier quand elle observe des variations dans ses accomplissements selon les circonstances, les domaines, etc : “je ne suis pas à la hauteur”, “je suis capable du meilleur comme du pire”. Les questionnements tournent alors autour de la crainte de l’échec, de la pression de performance, du fait de s’autoriser ou non des activités, de la comparaison aux autres, du syndrome de l’imposteur (attribuer ses réussites à des causes extérieures comme la chance plutôt qu’à ses compétences, et s’attendre à ce que son incompétence soit découverte).
IllustrationExplorer posément ses capacités cognitives permet alors d’y voir plus clair sur ses forces et ses faiblesses, pour mieux exploiter ses ressources et savoir gérer ses limites.

Certaines personnes peuvent également sous-estimer l’impact sur leur bien-être des besoins qui peuvent accompagner un bon niveau intellectuel : variété et découverte, défis, stimulation intellectuelle, etc. Or, d’après le psychologue Mihály Csíkszentmihályi 2, utiliser ses compétences à un niveau optimal génère un meilleur engagement et de la satisfaction.
Chacun a donc à gagner à trouver son point d’équilibre, en évitant une exigence de réussite excessive et une négligence de ses aspirations.

Engager le changement

À travers ces deux thématiques, la différence avec autrui et les compétences, reviennent souvent des besoins d’individuation, de légitimer une différence, de renforcer son estime de soi, ou de s’autoriser à faire des choix de vie qui correspondent à ses envies ou valeurs.

La question du possible haut potentiel intellectuel ouvre alors des pistes de travail, qui seront intéressantes à explorer que le HPI soit confirmé ou non :

  • travail sur ses difficultés : estime et affirmation de soi, habiletés sociales, gestion des émotions, difficultés liées au perfectionnisme…
  • mise en place de changements dans son environnement, au niveau de l’entourage ou des activités : fréquenter de nouvelles personnes, reprendre des études, engager une évolution professionnelle, découvrir de nouvelles activités de loisir…

L’idée est de permettre à la personne de choisir et de développer un environnement favorable pour elle, dans lequel elle peut vivre des situations satisfaisantes et ressourçantes et faire preuve d’adaptabilité sans se suradapter.

Conclusion

Le questionnement sur un possible haut potentiel nous semble donc une démarche productive, pourvu qu’il se fasse sans négliger les hypothèses alternatives ou complémentaires. Il permet en effet une ouverture sur des enjeux personnels importants, comme le sentiment de différence ou une recherche d’accomplissement de soi.

Aborder ce type de questionnement selon une approche collaborative et thérapeutique, c’est créer l’opportunité d’une expérience favorisant un changement positif, que l’hypothèse de haut potentiel se confirme ou non par la suite.


  1. Freund, P. A., & Kasten, N. (2012). How smart do you think you are? A meta-analysis on the validity of self-estimates of cognitive ability. Psychological Bulletin, 138(2), 296‑321. https://doi.org/10.1037/a0026556
  2. Csíkszentmihályi, M. (1999). If we are so rich, why aren’t we happy? American Psychologist, 54(10), 821‑827. https://doi.org/10.1037/0003-066X.54.10.821